Cette année le prix Nobel de physique a été remis a Albert Fert et Peter Grünberg.

Je ne peux pas dire grand chose du second, par contre le premier a été mon professeur. J’ai ensuite effectuée ma thèse dans son laboratoire et il a été le directeur de thèse de mes trois directeurs de thèse [1] . Je voulais juste apportée mon témoignage sur cette très belle expérience.

La Magnétorésistance Géante

Le prix Nobel a été décerné pour la découverte de la magnétorésistance géante. Kesako me direz vous ? Lorsque vous prenez un mille feuille de couches métalliques aux propriétés magnétiques bien choisies et d’épaisseurs manométriques, la résistance va changer en fonction du champ magnétique environnant.

Autrement dit, ce « mille feuille » va laisser passer le courant électrique ou non (résistance) en fonction du champ magnétique. Or un « bit » (c’est a dire une information élémentaire que l’on trouve sur les disque dur) n’est autre qu’un champ magnétique. C’est ainsi qu’une tête de lecture à magnétorésistance géante va laisser passé le courant lorsque le bit sera 1 et ne le laissera pas quand le bit sera 0.

Dans le monde du stockage de l’information, cette découverte a permis d’accélérer considérablement la taille des disques durs. Cela a été important pour les ordinateurs mais aussi pour toute l’électronique mobile car on peut mettre beaucoup plus d’information dans un volume beaucoup plus petit…

De la recherche fondamentale, pas du développement

Ce qui est mal explique dans les média (à mon avis en tous cas), c’est qu’Albert Fert ne s’est pas contente de dire « tiens, si je mettais ce bout de métal à côte de cet autre pour voir ce que ça fait ! ». Ce qui fait son prestige est qu’il a réussi a expliqué pourquoi deux bouts de métaux bien particulier mis bout à bout pourraient produire un effet aussi spectaculaire. Il a également réussi à s’entourer de gens suffisamment brillants pour pouvoir mettre en oeuvre ces multicouches nanométriques, puis les mesurer. Tout cela n’a rien d’évident tant du point de vue théorique qu’expérimental.

La spintronique ou électronique de spin

Je trouve dommage que le prix Nobel lui ait été attribué pour la seule découverte de la magnétoresitance géante. Car derrière cet arbre se cache une immense forêt : la spintronique (ou électronique de spin).

L’électronique vous connaissez : il s’agit de la science qui regarde les courants électriques. Le courant électrique c’est en fait des électrons qui voyagent dans un conducteurs. Le truc c’est que l’électron a plusieurs propriétes il a une charge (dont l’électronique conventionnelle s’occupe) mais également un spin (l’électron est aussi un petit aimant, si vous préférez). Or, jusqu’à la découverte de la magnétoresistance géante, l’industrie ne s’occupait pas vraiment du spin, alors qu’aujourd’hui un grands nombre de brevets sont déposés dans le domaine de la spintronique.

C’est un peu comme si pendant des années on avait mis sur votre carte d’identité la photo de vos yeux et tout d’un coup on a pris en compte le fait que vous avez aussi des cheveux. Personnellement je trouve les conséquences de la découverte bien plus grandes que la découverte elle même. D’ailleurs, la médaille d’or du CNRS avait été décernée à Albert Fert pour l’ensemble de sa carrière et pas seulement pour la découverte de la magnétorésistance géante.

Un grand laboratoire

Après la magnétoresistance géante, Albert Fert ne s’est pas arrêté, il a continue a faire des découvertes sans doute moins connues du grand public mais toujours a la pointe de la recherche mondiale. Bien entendu cela a été accompli grâce a son intelligence scientifique mais il a également su créer un laboratoire extrêmement stimulent.
A l’Unite Mixte de Physique CNRS-Thales, les gens sont aussi accessibles les uns que les autres qu’ils soit thésards, Professeurs ou ingénieurs on sent qu’ils jouent tous un rôle déterminent dans la dynamique de la recherche. Je crois que tout le monde est d’accord sur le fait que cela vient du comportement d’Albert Fert, non seulement la porte de son bureau est toujours ouverte mais en plus il n’a aucun problème à prêter un bout de son bureau s’il y a besoin de place pour un visiteur.
Et puis il y a la manière dont il s’adresse au gens. Je me souviens que lorsque j’étais en stage de DEA il est venu me voir un jour et m’a dit « J’ai pensé à quelque chose et je voulais avoir ton opinion » !!! Evidemment il aurait pu penser à n’importe quoi j’aurais été d’accord avec lui, vous imaginez ! Mais peu importe, c’est cette démarche qui est commune a tous les chercheurs du laboratoire qui permet de donner l’impulsion aux nouvelles découvertes.

Ca, je le comprend bien mieux aujourd’hui car dans mon laboratoire, la hiérarchie est un principe de base [2]. Par exemple les thésards ont leur bureau, les post-doc le leur et les chercheurs permanent ont chacun un bureau individuel dont la porte est toujours fermée ! Je me souviens que lorsque j’étais en thèse je partageais mon bureau avec un autre thésard, un post-doc et une Professeur d’Université. Séparer les gens en fonction de leur diplôme pose des barrières là où il n’y a pas lieu d’en avoir, cela coupe les discussions potentielles et donc casse la productivité.

Conclusion

Il y a encore plein de choses a dire par exemple que l’Unité Mixte de Physique CNRS-Thales est l’un des très rare laboratoire français qui est commun a une compagnie privée et a un secteur public ce qui est extrêmement dommage. Mais je c’est un autre sujet et j’en parlerai plus tard !


[1] Oui j’en ai eu trois c’est une histoire compliquée !

[2] Il me semble que c’est comme ça en Grande Bretagne en général

La photo qui illustre cet article avait été prise lorsqu’Albert Fert avait reçu la médaille d’or du CNRS. C’est moi que vous voyez poser. Pour la petite anecdote, il n’y a rien sous le microscope !!!!